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Connecter l’usine ou comment améliorer la disponibilité des équipements industriels

Connecter l’usine ou comment améliorer la disponibilité des équipements industriels

Par Laurent Couillard

Mis à jour le 27 novembre 2020, publié initialement en 9 janvier 2019

Alors que la disponibilité des actifs est au cœur des préoccupations de 65 % des industriels selon une étude de KPMG publiée en novembre 2018 (1), ce chiffre montre que la quête de la performance industrielle est encore aujourd’hui le sujet majeur au sein des sites de production.

Car même si leur modernisation fait qu’on produit davantage aujourd’hui qu’il y a 30 ans, on constate étonnamment que leur capacité d’utilisation demeure relativement stable depuis les années 70 (2). Ces tendances témoignent de la difficulté des industriels à maximiser le temps de fonctionnement de leurs machines ou plutôt de réduire leur indisponibilité.

Parallèlement, la révolution technologique portée par l’internet des objets est de plus en plus associée au monde industriel avec la promesse de rendre les sites de production plus efficients. Qu’en est-il vraiment ? En quoi connecter une usine peut-il apporter une réponse concrète aux enjeux de disponibilités des industriels ?

Un arrêt de production sur une machine ? C’est toute la ligne qui est impactée 

Si un grand nombre d’industriels cherchent encore à améliorer la disponibilité de leurs équipements, c’est qu’ils sont confrontés aujourd’hui à une réalité opérationnelle marquée par des arrêts de production fréquents causés par exemple par :  

  • La multiplication croissante des recalibrages de machines entre différentes séries.
  • Des opérations de maintenance préventives non réalisées provoquant des arrêts de production inopinés. 
  • L’incapacité de résoudre d’arrêts de production complexes sans assistance externe.

Bien qu’hétérogènes, ces arrêts ont un impact direct sur la disponibilité de l’outil de production. De plus, bien que localisés sur un point précis de la ligne, l’impact de ces arrêts est d’autant plus fort qu’ils pénalisent l’ensemble de la production, créant par exemple des goulets d’étranglement.

L’enjeu : capitaliser et partager la connaissance au sein de l’outil de production 

Le milieu industriel fait ainsi face aux limites d’un modèle où la maintenance est principalement un moyen de résolution des incidents a posteriori, dans une logique corrective, que véritablement intégrée au processus de production. Cette approche qui privilégie le temps de production s’appuie également sur une décentralisation de la connaissance en dehors des sites de production, détenue par des experts intervenant ponctuellement sur site. Si elle est bénéfique en termes de coûts, elle l’est moins en termes de disponibilité des équipements en raison de délais de résolution d’incidents rallongés.

Or dans un contexte où les équipements sont de plus en plus complexes à maintenir, la capitalisation et le partage de la connaissance au sein des équipes de production est clé. Ce recentrage de la connaissance favorise la résolution en autonomie des incidents par les équipes de production et réduit ainsi le temps d’indisponibilité des équipements. 

Mais comment dès lors opérer cette relocalisation de la connaissance sans pour autant accroître les coûts de formation de la main d’œuvre ? Qui plus est dans un contexte de fort turnover au sein des usines et de départ en retraite de ceux qui détiennent la connaissance ? 

Pour rendre mon usine connectée intelligente, machine learning ou machine teaching ?

S’il est communément entendu que l’usine connectée s’appuie sur un internet des objets dédié à l’industrie (IIoT) pour permettre aux industriels notamment de prédire les futures pannes de leurs équipements, nombreux cependant sont les chemins pour y arriver. 

Celui le plus balisé aujourd’hui est sans conteste le machine learning, porté par l’essor de nombreuses solutions et le positionnement à marche forcée de nombreux leaders du marché au cours des dernières années. Particulièrement adaptée à la résolution de problématiques de procédés industriels avec un grand nombre de variables, cette approche nécessite cependant des compétences humaines, technologiques et des moyens importants. Les résultats peuvent s’apparenter à de véritables « boîtes noires » pour les fonctions métiers qui ont pourtant la charge de les exploiter.

Au-delà de la méthode c’est bien sur les délais de retour sur investissement qu’aujourd’hui le bât blesse, car si plusieurs Giga voir Téra de données sont nécessaires pour mettre en œuvre du machine learning, c’est au bout de plusieurs mois voire années qu’on peut réellement en mesurer les bénéfices.

Et si les machines pouvaient parler ?

Or dans un contexte où les industriels cherchent un ROI rapide, le machine teaching constitue une alternative plus pragmatique qui vise à résoudre des problèmes industriels dont les causes sont déjà identifiées par les métiers, mais qui restent persistants sur le terrain. Circonscrits et définis les incidents de production sont plus facilement modélisables par les données et surtout ils ne requièrent que les variables utiles à sa modélisation. En creux, nul besoin de disposer de plusieurs mois de données pour s’engager dans cette voie.

La rapidité de mise en œuvre fait de cette approche une sérieuse alternative aux systèmes auto apprenants et non supervisés pour répondre par exemple à des enjeux de maintenance prédictive. Plus encore, là où aujourd’hui la connaissance du comportement physique d’un équipement est souvent basée sur l’expérience et le ressenti d’un nombre limité d’experts, le machine teaching permet concrètement de la numériser, et l’IIoT de la partager avec l’opérateur de manière contextualisée et en temps réel.

L’opérateur augmenté, pierre angulaire de l’usine connectée

En d’autres termes tout est réuni aujourd’hui pour que les machines puissent désormais s’exprimer et parler aux opérateurs. En embarquant l’expertise métier de son fonctionnement, les machines se trouvent en capacité de s’auto diagnostiquer et d’indiquer aux opérateurs les meilleures actions à réaliser en fonction du contexte de production. 

Cette approche apporte une réponse claire aux enjeux de disponibilité des équipements car elle permet de limiter le recours à une expertise distante et de renforcer l’autonomie des opérateurs pour une résolution plus rapide des incidents. Une approche où l’usine connectée devient un réel levier d’amélioration de la performance.

Cependant son avènement ne se fera pas sans l’implication de ceux qui la font vivre. De la direction industrielle jusqu’à l’opérateur augmenté, chacun devra en retirer une valeur tangible, en adéquation avec son propre environnement pour s’engager pleinement. C’est tout l’enjeu aujourd’hui pour les industriels aujourd’hui en vue d’améliorer la disponibilité de leurs équipements.


(1) Source : Baromètre KPMG & Usine Nouvelle « Digitalisation de la maintenance », Novembre 2018
(2) La capacité constatée d’utilisation des usines en moyenne entre 1972 et 2017 est de 79,8% contre 78,5% en Novembre 2018 (Source : Federal Reserve)

Laurent Couillard

Laurent Couillard,

Fort d'une quinzaine d'années d'expérience chez Dassault Systèmes dont quatre en tant que directeur général d'Exalead, Laurent Couillard s'est forgé une solide expérience dans le milieu de la data et du logiciel. Face aux difficultés récurrentes rencontrées par les industriels dans l'exploitation de leurs équipements, il co-fonde InUse avec Etienne Droit en 2015 avec l'objectif de tirer profit des données de d'équipements connectés pour les faire parler et accroître ainsi les performances industrielles.