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Comment les géants du logiciel poussent la blockchain en logistique

Comment les géants du logiciel poussent la blockchain en logistique

Par Nicolas Payette

Mis à jour le 25 juin 2020, publié initialement en 29 octobre 2017

Pas un jour ne passe sans que le terme blockchain (aussi appelé "chaîne de blocs" en français) ne soit mentionné dans le monde des logiciels d’entreprise, à tel point que ce mot à la mode est entré dans notre conscience collective presque du jour au lendemain. Depuis les premiers soubresauts liés à l’utilisation du bitcoin et autres crypto-monnaies, de nombreux autres scénarios commerciaux potentiels (dont certains bien réels) d’emploi de chaînes de blocs ont fait l’objet de discussions et ont été dévoilés.

IBM a travaillé activement dans le domaine de la blockchain avec de nombreuses entreprises (par exemple Everledger pour la provenance d'actifs, et SecureKey pour l'identité numérique du consommateur) afin de créer une chaîne de blocs prête à l'emploi pour les entreprises. Parmi les secteurs qui pourraient bénéficier de l'utilisation de réseaux de chaînes de blocs authentifiés, on peut signaler : les services financiers, la logistique, l’Internet des Objets (IoT), la gestion des risques, la gestion des droits numériques, la gestion des actifs carbone et la santé (prévention de la contrefaçon et de la falsification de médicaments, par exemple).

Blockchain : définition et fonctionnement

La blockchain est essentiellement une base de données numérique distribuée qui peut être utilisée pour piloter les process des entreprises qui impliquent plusieurs parties, tout en favorisant une plus grande visibilité et une plus grande confiance. Prenez l'exemple récent de Siemens et de la startup new-yorkaise LO3 Energy qui collaborent ensemble dans le domaine des microgrids innovantes et qui permettent le commerce local d'énergie axé sur la technologie blockchain (les propriétaires de toits équipés de panneaux solaires à Brooklyn peuvent ainsi vendre leur surplus d'électricité au service public local).

Ici, la vitesse, la sécurité et la transparence des transactions sont des principes fondamentaux : les transactions entre les acteurs impliqués sont visibles de tous, mais chacun peut rester anonyme jusqu'à ce qu'il décide de se faire connaître. En outre, quel que soit le type de transaction, certains domaines sensibles peuvent être rendus visibles uniquement pour certaines personnes (par exemple, un prix spécial pour un accord particulier entre un acheteur et un vendeur), mais sans empêcher que toutes les autres parties concernées soient au courant du reste des détails de la transaction. Regardez cette vidéo pour en savoir plus :

Les capacités mises en évidence dans cette vidéo (y compris un potentiel d’évolution beaucoup plus élevé) sont spécifiques à Hyperledger Fabric v1.0, et, pour le coup, d'autres offres de blockchain (Bitcoin, Ethereum, etc.) n’en disposent toujours pas.

Le projet Blockchain Open Source Hyperledger

La sécurité des réseaux de blockchain n’a d’égale que celle des infrastructures auxquelles ils se raccrochent, car la sécurité devrait déjà être intégrée à partir du matériel avant d’être étendue à l’ensemble des logiciels. Récemment annoncée lors de la conférence IBM InterConnect 2017 dédiée aux logiciels dans le cloud, l’arrivée d’IBM Blockchain signifie la création d’un service de blockchain pour entreprises prêt à l'emploi (capable de gérer plus de 1 000 transactions par seconde) et basé sur la version 1.0 d’Hyperledger Fabric de la Linux Foundation. Le projet Open Source Hyperledger est actuellement développé par environ 120 membres du consortium Hyperledger (IBM, SAP, Fujitsu et Accenture étant parmi les principaux membres) aux côtés d'autres technologies de blockchains open source.

IBM estime que son réseau commercial hyper sécurisé est la principale offre dans le secteur de la sécurité des chaînes de blocs.

Le Comité directeur technique du consortium Hyperledger a récemment fait passer Fabric de l’état de projet en gestation à produit actif, et la solution devrait être disponible dans un avenir proche. Le service Fabric d’Hyperledger permet aux développeurs de créer et d'héberger rapidement des réseaux sécurisés de production de blockchains dans IBM Cloud, avant même l'infrastructure IBM LinuxONE.

Pour leur part, les outils d’administration des blockchains servent à les configurer en réseaux et à leur attribuer des rôles et des niveaux de visibilité à partir d'un unique tableau de bord. Ils peuvent aider les membres du réseau à définir des règles, gérer de nouvelles adhésions et faire respecter la conformité du réseau une fois celui-ci opérationnel. Il est nécessaire d’avoir un environnement d'exploitation contrôlable avec des données de traçabilité complètes qui prennent en compte les aspects d’informatique légale, les audits et la conformité.

Une fois sa configuration arrêtée, les membres de la blockchain en définissent les règles et se réservent un droit de veto quant aux demandes d’adhésion de nouveaux membres. En outre, l'outil de déploiement attribue à chaque réseau une note de confiance qui va de 1 à 100. Cette note, les nouveaux membres peuvent la consulter avant même de rejoindre un réseau, ce qui leur permet d’évaluer leur niveau de confiance et de décider d’y participer ou pas. Notons que les entreprises peuvent également prendre des mesures pour améliorer leurs notes de confiance avant de passer à la production.

La blockchain dans les domaines de chaîne logistique

IBM a dans ses tuyaux des projets de chaîne logistique avec Everledger, Walmart et Maersk. Les premières applications de blockchains pour les achats et les chaînes logistiques dont a parlé SAP Ariba lors de sa récente conférence SAP Ariba LIVE 2017 (conférence qui se déroulait aux mêmes dates et dans la même ville - Las Vegas - que la conférence d'IBM) impliquaient un suivi et un repérage des biens essentiels. Afin d’étendre ses capacités sur le réseau Ariba, l'éditeur de logiciels de gestion des dépenses s'est associée à Everledger, une société de technologie financière basée à Londres.

Everledger est un registre mondial de transactions numériques qui, entre autres, suit et protège les diamants et autres objets de valeur tout au long de leur vie. Il fournit aux compagnies d'assurance, aux banques et aux nombreux maillons des chaînes logistiques un historique précis permettant de s’assurer de l'authenticité, de l'existence et de la propriété d'un produit (cf. figure 1). Fondé en avril 2015 par l'entrepreneur australien Leanne Kemp, Everledger a digitalement sécurisé plus d'un million de diamants sur la blockchain et a élargi sa technologie de plateforme à d’autres catégories de produits raffinés, tels que le vin et l'art.

En utilisant Hyperledger Fabric sur IBM Cloud, Everledger collecte en toute sécurité les caractéristiques fondamentales, l'histoire et la propriété du produit afin de créer un enregistrement permanent sur le réseau de blockchains. Cette empreinte numérique d'un bien (qui inclut les aspects historiques, le transport, les mouvements et la propriété) peut être utilisée par tous les intervenants de la chaîne de valeurs pour en déterminer l’origine et s’assurer de son authenticité.

La place de la blockchain dans la future plateforme SAP Ariba

Toute blockchain met avant tout l’accent sur la vérification et l'authentification des transactions commerciales, des actifs et des documents qui y sont associés (registres), et c’est là tout l’intérêt de SAP Ariba. Mais il nous faut admettre que SAP n’a que peu de discussions à ce sujet dans un contexte de planification qui ne se prête pas vraiment aux transactions. Sur le réseau Ariba, les acheteurs et les fournisseurs de sociétés de plus de 2,5 millions de chiffre d’affaires et qui proviennent de 190 pays peuvent découvrir de nouvelles opportunités, participer à des transactions et développer leurs relations. C'est un marché numérique dynamique qui génère chaque année plus d’un milliard de dollars en transactions.

De nos jours, nombre de transactions sont encore scellées par une poignée de mains, par un bout de papier griffonné sur un coin de table, ou par une promesse de paiement. En intégrant sa blockchain dans les applications et dans le réseau de SAP Ariba, l'entreprise rendra ses chaînes logistiques plus intelligentes, plus rapides et plus transparentes dès la phase de sélection de ses fournisseurs et jusqu’au règlement final. La plateforme SAP Ariba (et probablement aussi la plateforme dans le cloud SAP Cloud) aura bientôt une composante Hyperledger pour que tous les membres du réseau Ariba (cf. figure 2) puissent accéder à sa blockchain.

Pour faire court, la blockchain semble idéale pour formaliser numériquement les relations et obligations contractuelles entre plusieurs parties (banquiers, assureurs, vendeurs, acheteurs, etc.), et ce, en toute sécurité, rapidité et transparence. Il est en effet presque impossible de la pirater puisque, pour y arriver, il faudrait s’attaquer à l’intégralité (ou au moins une majorité) des liens en une unique tentative et de façon synchronisée (car, grâce à la date et à d’autres systèmes de cryptage, si vous ne piratez qu’un seul maillon, les autres maillons de la chaine savent que le maillon piraté n'est plus intact). Mais il convient ici de noter que la chaîne de blocs que vous utilisez peut faire toute la différence. En effet, si IBM Blockchain n'a jamais été piratée, ce n’est en revanche pas le cas de BitCoin et d’Ethereum.

Le réseau IBM High Security Business possède un certain nombre de fonctionnalités exclusives. En plus des cartes de membre cryptées, on trouve plusieurs filtres de protection contre des attaques venues de l’intérieur (à la Snowden). La centrale de sécurité peut protéger le code de la blockchain grâce à une application virtuelle, ce qui permet de refuser l'accès même à des utilisateurs privilégiés. Et pour protéger les données cryptées destinées au stockage des clés cryptographiques, on pourrait même utiliser des dispositifs de sécurité physiques ultrasensibles, comme IBM le fait dans son offre.
 

Amplification de la blockchain avec les Smart Apps

Pour certains la blockchain est comparable à une espèce de produit dopant inoffensif appliqué à un système d’EDI (échange de données informatisé) qui rend les relations à la fois plus fortes et plus harmonieuses grâce à l’automatisation de la chaîne de valeur qu’elle injecte. La différence, en plus de la sécurité mentionnée ci-dessus, c’est que l'EDI est exclusif, coûteux et n’est pas facilement extensible, alors que Hyperledger est un consortium open source. Un facteur de différenciation clé est que, si l’EDI permet l’échange de données ou de documents entre deux entreprises, la blockchain permet à toutes les parties d'une transaction ou d'un flux de travail de voir la même information en même temps, y compris les régulateurs.

Pour faciliter le travail des développeurs quand il s’agit de traduire les besoins des entreprises du concept jusqu’au code définitif, IBM Blockchain fait appel à un nouvel outil de développement open source pour Hyperledger Fabric nommé Fabric Composer. Il permet de modéliser les réseaux commerciaux, de créer des interfaces de programmation applicative (API) qui s'intègrent au réseau de chaînes de blocs et aux systèmes d'enregistrement existants, et de créer rapidement une interface utilisateur (UI). SAP suivra probablement cette voie à l’aide de ses outils de développement de blockchain Hyperledger.

Certains pensent que dans le futur beaucoup de startups spécialisées dans les logiciels développeront des applications sur une base de blockchain. Mais pour quels scénarios commerciaux concrètement ? Rien n’est tranché pour l’instant. Certes, toutes les transactions de blockchain représentent un trésor de big data qu’on peut analyser avec l'intelligence cognitive et artificielle (IA) des applications afin de découvrir des tendances, des habitudes et des recommandations utiles. Par exemple, on pourrait imaginer des contrats intelligents qui resteraient toujours conformes, grâce à leur adaptation permanente aux changements des données commerciales et des règlements, et qui analyseraient des modèles pour suggérer des mises à jour de contrats de blockchains. En face, les agents pourraient alors se focaliser davantage sur les activités criminelles, détecter les risques potentiels liés à l'approvisionnement, fournir des analyses des dépenses des entités, et bien plus encore.

En réalité, toute seule la chaîne de blocs ne peut pas surveiller les éléments matériels physiques, elle a besoin d'identification par radiofréquence (RFID) ou d’autres outils logiciels ou matériels tels que l’Internet des Objets (IdO) pour pouvoir en faire le suivi (c’est ainsi que SAP Ariba a présenté SIGFOX comme étant son partenaire IdO lors de la conférence). Voilà pourquoi, même si personne ne voudrait faire un suivi de la paperasse inutile ou des fournitures de bureau, techniquement, il n’y a rien de négatif à l’idée d’enregistrer leurs mouvements dans une blockchain (pour ensuite utiliser des applications d’IA pour étudier ces données pour en faire une intéressante analyse des dépenses).

Aujourd’hui, certains clients pourraient utiliser la plateforme IBM Watson IoT pour obtenir des informations à partir de dispositifs d’identification par radiofréquence (RFID), de codes-barres scannés ou de données extraites d’appareils électroniques afin d’être utilisés avec la Blockchain d'IBM. Les appareils sont capables de communiquer avec les registres générés par la chaîne de blocs pour mettre à jour ou valider des contrats intelligents.

En outre, la chaîne de blocs aiderait SAP Ariba à saisir les transactions et d’en suivre les éléments même avec ceux qui ne sont pas encore membres du réseau Ariba, comme les transporteurs (directs ou intermédiaires), les banques ou les assureurs. Freightos, un réseau en ligne qui met en relation entre eux les fournisseurs de marchandises et leurs clients, a automatisé ses flux et ses devis, et a été présenté comme étant un possible partenaire de traçage et de logistique au même titre que Everlegder et SIGFOX.

Conclusion

Alors qu’IBM semble bien être le pionnier en proposant déjà de nombreuses applications réelles de la blockchain, la blockchain de SAP Ariba n’en est encore qu’au stade de l’idée et du concept, et il lui reste encore probablement un an au moins pour qu’elle se matérialise. Mais il faut s’attendre à ce que SAP rattrape son retard assez rapidement (on inclura aussi sa plateforme IoT SAP Leonardo), et avec l’arrivée de Hyperledger 2.0 et de ses déclinaisons futures, l’utilisation de la blockchain rentrera rapidement dans les moeurs. Une fois que la blockchain sera lancée, et après les quelques ajustements initiaux d’usage, il est fort à parier que d’autres emboîteront le pas également, comme Infor GT, Coupa, Descartes et d'autres réseaux commerciaux qui génèrent de nombreuses transactions.