Comment engager sa transformation digitale sur la voie du développement durable ?
La transformation digitale n’est plus un vœu pieux ou un objectif à long terme. Elle est devenue une urgence d’autant plus immédiate que la crise sanitaire que nous traversons en 2020 a propulsé les nouvelles technologies sur le devant de la scène.
Une entreprise digitalisée est une entreprise ancrée dans le présent et tournée vers l’avenir. Mais les nouvelles technologies de l’information doivent aussi engager votre entreprise dans le plus grand défi de ce siècle : concilier performance et développement durable.
Pour cette première chronique sur Appvizer, je vous propose des solutions concrètes pour déployer une transformation digitale plus eco-friendly.
Un réel impact du numérique sur l’environnement
Dans l’imaginaire collectif, le numérique est souvent associé à une économie décarbonée et propre. Bien que méconnue, la pression du secteur digital sur l’environnement est pourtant bien réelle. En avoir conscience est essentiel pour prendre les bonnes décisions. Dans son guide pratique La Face cachée du Numérique (2019), l’ADEME nous assène des chiffres chocs.
Le numérique en 2019 représente 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre :
- 25 % dues aux data centers,
- 28 % dues aux infrastructures réseaux,
- 47 % dues aux équipements des consommateurs.
La problématique environnementale du numérique est aussi liée à l’équipement des ménages et des entreprises en matériel. La consommation énergétique des appareils n’est que la partie émergée de l’iceberg, le véritable impact se situe au niveau de la production des appareils.
Toujours selon l’ADEME, la fabrication d’un ordinateur portable de 2 kg mobilise 800 kg de matières premières et génère 124 kg de C0². L’étape fabrication représente près des trois quarts du bilan carbone d’un ordinateur portable, qui produit sur l’ensemble de son cycle de vie 169 kg de CO2.
Le numérique fait partie des chantiers prioritaires pour toute entreprise désireuse de s’engager sur la voie du développement durable.
Choisissez des équipements plus respectueux de l’environnement
Vous souhaitez poursuivre votre transformation digitale tout en prenant soin de l’environnement ? Vous pouvez commencer par porter votre réflexion sur le choix des bons équipements informatiques.
Des labels pour mieux choisir les équipements de vos collaborateurs
Vous recherchez des appareils économes en énergie, mais aussi fabriqués dans le meilleur respect de l’environnement ? Des labels vous aident à faire les bons choix. Ils prennent en compte différents critères :
- le mode de production,
- l’absence d’additifs et substances nocives,
- la consommation énergétique,
- la durée de vie,
- le recyclage.
EPEAT : cet écolabel fondé en 1992 permet de distinguer des appareils aux caractéristiques écologiques en s’appuyant sur un cahier des charges strict. Trois niveaux de certification sont proposés, Bronze, Silver et Gold, en fonction du nombre de critères respectés. | |
Nordic Ecolabel : créé en 1989, le label Nordic Swan associe et garantit un mode de production écologique à des exigences de qualité. Il labellise de nombreux types d’articles, y compris des équipements électroniques et informatiques. | |
Der Blauer Engel (l’Ange Bleu) : créé en 1978 par le Ministère Allemand des Affaires Étrangères, ce label concerne de nombreux secteurs, dont l’informatique. Il valorise la dimension écologique de chaque étape du cycle de vie du produit. | |
TCO Certified : ce label assure la certification mondiale de durabilité pour les produits informatiques. Il valorise tout particulièrement les équipements qui peuvent être réparés, « upgradés » et recyclés. |
Des indicateurs pour privilégier un data center écoresponsable
Vous recherchez un data center pour héberger vos données ? Votre choix peut avoir un impact sur l’environnement. Des indicateurs vous aident à choisir les bons prestataires.
The Green Grid est une organisation à but non lucratif qui regroupe de nombreux acteurs du numérique, et travaille notamment autour de la notion de développement durable dans les réseaux informatiques. Ce consortium a défini plusieurs indicateurs pour identifier les data centers les plus vertueux :
- Le Power Usage Effectiveness (PUE) définit notamment l’efficacité énergétique des centres informatiques. Il est obtenu en divisant le total de l’énergie consommée par le data center par le total de l’énergie utilisée par les équipements informatiques (serveur, stockage, réseau).
- Le Green Energy Coefficient (GEC) permet de connaître la part d’énergie renouvelable utilisée par le data center.
La norme ISO 14001, associée au Management environnemental, peut aussi être un indicateur complémentaire. Elle regroupe de nombreuses exigences et s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue.
De bons réflexes pour réduire encore son impact carbone
Choisir des appareils labellisés n’est qu’une première étape sur la voie d’une transformation digitale eco-friendly. Pour améliorer encore vos économies d’énergie et réduire votre impact carbone, vous devez adopter les bons réflexes au quotidien :
- Dimensionnez les appareils à l’usage, car un ordinateur plus puissant a un impact carbone (fabrication, consommation…) souvent supérieur à un appareil moins puissant.
- Éteignez les ordinateurs et les écrans durant la pause déjeuner et chaque soir, plutôt que de les mettre en veille.
- Privilégiez la réparation ou l’amélioration au remplacement à chaque fois que cela est possible et pertinent.
- Ne remplacez pas un appareil en état de fonctionnement tant qu’il ne dégrade pas la productivité des équipes.
- Ne multipliez pas les appareils, en évitant par exemple d’installer une imprimante dans chaque bureau si les impressions sont relativement rares.
- privilégiez des appareils multifonctions, plutôt que des appareils distincts, en choisissant par exemple une imprimante qui fait aussi scanner et photocopieuse
- Respectez les filières de recyclage pour les appareils en fin de vie.
Ces comportements, adoptés par des dizaines de milliers d’entreprises à travers le monde, ont un réel impact positif sur l’environnement.
Adoptez les bons comportements au quotidien
Lorsqu’il s’agit de s’engager au service de l’environnement, chaque geste compte. Les bons comportements, adoptés au niveau d’une entreprise, peuvent avoir un impact bénéfique global s’ils se diffusent dans de nombreuses organisations.
Privilégier des moteurs de recherche engagés
Chaque requête web passe par plusieurs étapes successives :
- vous saisissez l’adresse web d’un moteur de recherche,
- le data center du moteur de recherche vous transmet la page d’accueil du moteur,
- vous entrez vos mots-clés sur le moteur de recherche,
- le data center du moteur de recherche vous envoie les résultats pertinents,
- vous cliquez sur le résultat de votre choix,
- le data center de l’hébergeur du site vous renvoie la page web demandée.
Ces aller-retour produisent du CO2. Si vous ne pouvez pas réduire votre nombre de requêtes, vous pourrez leur conférer un engagement écoresponsable.
Google écrase en effet le marché de la recherche en ligne, avec plus de 90 % de parts de marché dans l’Union européenne. Mais savez-vous qu’il existe des alternatives écoresponsables au géant américain ?
Le plus connu d’entre eux est certainement Ecosia.org. Une partie considérable des revenus publicitaires générés par ce moteur sont en effet alloués à des projets de reboisement. Les data centers sont alimentés par des sources d’énergie renouvelables, qui permettent à Ecosia d’avoir un bilan carbone négatif.
D’autres initiatives ont été lancées autour de projets similaires. Le site MaPlaneteZeroDechet.com vous en apprend plus sur les moteurs de recherche de recherche écologiques et responsables.
Repenser son usage des mails
Selon l’ADEME, un mail parcourt en moyenne 15 000 kilomètres avant d’arriver jusqu’à votre boîte aux lettres.
Pour réduire votre empreinte carbone, vous pouvez adopter de nouveaux réflexes :
- Limiter les destinataires en copie aux personnes réellement concernées par le courrier.
- Se désabonner des newsletters que vous ne lisez pas (évidemment, vous conserverez celles d’Appvizer qui sont toujours pertinentes 😉 ).
- Limiter les pièces jointes volumineuses.
- Éviter les mises en forme inutiles qui alourdissent le poids de votre courriel.
- Optimiser le poids de votre signature, surtout si elle contient une image.
Ces quelques consignes, transmises à l’ensemble des collaborateurs, peuvent avoir un impact significatif.
Réduire le volume des données stockées
Des quantités astronomiques de données sont stockées dans des data centers partout dans le monde. Or, ces données consomment de l’énergie, même quand vous ne les consultez pas.
Faire le vide dans vos données inutiles est un acte écologique.
Vous pouvez commencer par faire le vide dans les emails, en supprimant par exemple les anciens numéros des newsletters que vous ne lisez plus, des courriels ou des notes de service qui ont plusieurs années. Cinq minutes par jour suffisent pour agir concrètement.
Les fichiers stockés dans le réseau interne de l’entreprise peuvent subir le même sort. Par exemple, est-il utile de conserver le brouillon d’un fichier stocké sur le réseau et dans votre serveur de messagerie mail, car vous l’avez transmis à un client, un collaborateur ou un partenaire ?
Les services IT des entreprises peuvent aussi agir sur ce levier, en faisant le point sur les datas de l’entreprise. Quelles sont les données inutiles ? A-t-on choisi un prestataire vertueux pour leur stockage ?
Privilégiez un fournisseur d’énergie verte
L’électricité n’est pas forcément une énergie décarbonée. Tout dépend en réalité de son mode de production. Une électricité obtenue à partir d’une centrale thermique fonctionnant au charbon, au gaz ou au fioul, déplace la production de CO2 de la prise à la cheminée de l’usine. L’énergie nucléaire a un bilan carbone bien meilleur, mais peut avoir des conséquences dramatiques sur l’environnement en cas d’accident.
Pour alimenter vos équipements informatiques et vos serveurs, vous pouvez privilégier une électricité d’origine renouvelable : éolien, solaire, hydraulique (barrages), géothermique, marémotrice, biomasse…
Les contrats d’électricité verte
Des contrats d’électricité verte sont aujourd’hui proposés par une immense majorité des fournisseurs d’énergie. Ces contrats garantissent que de l’électricité d’origine renouvelable a été injectée sur le réseau, pour une quantité équivalente à celle que vous avez consommée. Les fournisseurs d’énergie achètent pour cela des Garanties d’Origine, qui peuvent être acquises et échangées indépendamment de l’électricité qu’elles certifient.
Les fournisseurs les plus engagés
Certains acteurs se sont spécialisés dans une énergie électrique réellement verte. Le classement Greenpeace cite en France les fournisseurs suivants :
- Enercoop,
- Planète OUI,
- Urban Solar,
- Ilek,
- Plüm Énergie.
Créez un site web ou une application eco-friendly
La création d’un site web est aujourd’hui tout simplement indispensable pour toute entreprise. Des choix pertinents lors de la conception ou de la refonte de votre site internet peuvent réduire votre empreinte carbone.
Un code optimisé et léger
Le temps de chargement est aussi un critère UX et SEO. Google et les principaux moteurs de recherche privilégient en effet les sites web rapides. Un temps de chargement rapide améliore la phase d’exploration de vos pages, et deviendra en 2021 avec la mise à jour Google Page Expérience un critère de plus en plus important pour votre référencement naturel.
Pourtant, la tendance va à contre-courant de cette recherche de rapidité. En effet, ces dix dernières années, le poids moyen d’une page web s’est fortement alourdi, comme le montre le site httparchive.org. Si les réseaux ont aussi progressé, cette augmentation de poids n’en génère pas moins une consommation d’énergie plus élevée.
L’étape du développement informatique est essentielle :
- limitation du nombre de requêtes,
- suppression des lignes de code inutile,
- limitation des extensions qui ralentissent le code (notamment dans le cas de sites utilisant un CMS),
- optimisation et minification du code,
- suppression ou correction des slow queries (requêtes trop lentes),
- …
Le design joue aussi un rôle clé dans le temps d’affichage :
- limitation des éléments, interactions ou fonctionnalités inutiles,
- limitation des effets 3D ou full HD,
- pas de lancement automatique de médias (vidéo, son),
- images retaillées et allégées,
- …
En proposant un site web léger et rapide, vous diminuez aussi les transferts de données entre ordinateurs et serveurs… Ce qui se traduit par une réduction de votre empreinte carbone !
Le choix de l’hébergeur
Pour renforcer le caractère écologique de votre site web, vous pouvez vous orienter vers un hébergeur avec un réel engagement sur cette question.
Les recommandations formulées en première partie sur le choix d’un data center sont aussi valables pour choisir un hébergeur : norme ISO 14001, critères de The Green Grid…
En Green IT, chaque pas compte
Nous avons vu ensemble que de nombreuses actions, simples à mettre en œuvre pour l’immense majorité d’entre elles, permettaient à une entreprise de réduire son empreinte carbone liée au secteur numérique.
Chaque mesure présentée dans cette tribune a une portée concrète. Vous ne devez pas forcément vous lancer à corps perdu dans une double transformation digitale et écologique qui serait trop brutale ou déstabilisatrice. Par contre, vous pouvez dès à présent faire les choix, à chaque fois que c’est possible, pour favoriser une digitalisation au service du développement durable. En tant qu’entreprise, vous portez un projet de long terme et celui-ci ne pourra être pérennisé que dans le respect de l’environnement et d’une démarche de développement durable.
Article invité. Les contributeurs experts sont des auteurs indépendants de la rédaction d’Appvizer. Leurs propos et positions leur sont personnels.
Depuis 2003, il accompagne des entreprises de tous les secteurs dans la mise en place de leur stratégie de visibilité sur les moteurs de recherche. Il est responsable Content Marketing au sein de l’agence Digimood, et partage ses compétences en animant des cours à Kedge Business et à l’Université d’Aix-Marseille.